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1 er Concours des 24 Heures de la Nouvelle
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11 février 2010

COMME UNE ODEUR Séquoia : conifère de la famille

COMME UNE ODEUR

Séquoia : conifère de la famille des Cupressacées renvoyant à deux espèce différentes : le séquoia à feuilles d’if ou séquoia toujours vert (Sequoia sempervirens), pouvant atteindre jusqu’à cent mètres de hauteur pour huit mètres de largeur, et le séquoia géant (Sequoiadendron giganteum), qui n’atteint que quatre-vingt mètres de hauteur mais dont la largeur peut atteindre dix mètres. On n’en trouve plus qu’aux Etats-Unis, principalement sur la côte Ouest. On l’utilise pour fabriquer de nombreux objets en bois dont entre autres des tables ou encore des cercueils.

Note : ça brûle plutôt bien. Même très bien. Plus que je l’espérais.

Je n’avais pas grand espoir au départ. Du séquoia verni, c’était sûrement le genre de truc plus ignifugé que ça tu meurs. Eh bien, j’avais réussi l’exploit d’y mettre le feu.
Bien sûr, ça a dégénéré après, je n’avais pas pensé qu’il y aurait des objets inflammables à proximité et je me retrouvais désormais comme un con, cerné par les flammes avant même avoir eu le temps de finir ce que je voulais faire. Le bâtiment allait littéralement brûler sur place.
La salle était devenue désormais une véritable fournaise, la chaleur y était si vive que j’avais peine à y voir. Mes yeux et ma peau séchaient littéralement sur place malgré tout les efforts de mon corps pour tenter de bien hydrater.
Je n’entendais plus que le bruit des flammes. Apparemment, l’alarme incendie, c’était du toc… Même pas fichu de faire un bâtiment aux normes…
Ca y est, ma peau se mettait à carboniser, des cloques apparaissent littéralement sur mon corps mais je n’avais pas vraiment le temps d’y faire attention à vrai dire, mes nerfs ayant décidé d’alerter à toute allure mon cerveau que mon corps était en train de brûler sur place, cette information étant traduite par une douleur intense.
J’hurlais mais les flammes étaient désormais si vives que je ne m’étais moi-même pas entendu crier.
J’allais mourir là, entouré de tous ces cercueils. Plus tard, la police allait sûrement conclure qu’il ne s’agissait d’un incendie criminel ayant mal tourné, mon patron se ferait dédommager et on foutrait ce qui reste de moi dans une jolie urne que ma mère poserait au coin de la cheminée tout en pleurant sur le fils unique qu’elle a perdu. Ils n’auraient finalement pas tort… Enfin, il serait bien incapable de comprendre qu’au fond, ce n’est pas un incendie criminel, mais bel et bien un suicide…

J’ai toujours été lâche.
J’ai toujours été le genre de gars trop malingre et faible pour s’imposer et qui parasitait les forts en les aidant à taper les mecs qui s’opposaient à eux. J’ai toujours été le genre de gars qui se laissait engueuler par son patron sans réagir de peur de perdre son boulot et de se retrouver à la rue. Enfin bref, j’étais le mec lambda. Vivant à l’extérieur, déjà mort à l’intérieur.

Ce matin, j’avais été réveillé à six heures par mon téléphone qui hurlait à côté de mon oreille. Ma mère. Elle m’appelait à cette heure simplement pour me souhaiter un joyeux anniversaire, à croire qu’elle ne dormait jamais. Je ne me souviens plus ce que je lui ai répondu, sûrement un « Merci maman. » ou « Tu me fais vraiment chier, sale conne ! », peut-être même les deux.
Vu ma propension à l’insomnie, je savais que je n’aurais pas le temps de me rendormir avant qu’il ne soit temps d’aller bosser. La tête dans le gaz, je décidais donc d’aller petit-déjeuner. Croissants, tartines, lait, tout ce qu’il faut pour un grand et bel homme qui travaille dans un crematorium.

Etre croque-mort, c’est un peu jouer à la loterie tous les jours. Les trois-quarts du temps, tu te fais chier à t’occuper de cadavres de vieux tout propre et encore tout frais de l’hospice où t’as rien d’autre à foutre que les embaumer, histoire que si un jour on décide de vérifier qu’il est bien mort, il garde sa peau de bébé. Mais tu espères toujours tomber un jour sur le noyé resté dans l’eau pendant des semaines, le mec carbonisé jusqu’à la moelle après un incident de barbecue ou encore l’homme mort broyé dans une benne à ordure. Et puis il y a aussi les super jackpots, les bébés Harlequins et les elephant-men à qui tu dois donner une apparence décente malgré toute l’horreur que n’importe qui éprouve pour ces pauvres gens. Après avoir côtoyé la mort pendant des années, y a plus que les « monstres » qui font encore frissonner. Et lorsqu’on se dit qu’on a tout vu, on voit toujours pire.

Nouveau coup de téléphone, c’était encore ma mère. Elle me souhaitait un joyeux anniversaire, je lui dis qu’elle me l’avait déjà souhaité, que non, je n’avais pas dix-huit ans aujourd’hui mais trente-trois dans quelques mois et qu’elle devrait d’abord penser à se faire vite diagnostiquer la maladie d’Alzheimer si elle ne voulait pas que papa aille m’acheter dans pas longtemps un joli cercueil. Faut dire que la science faisait des progrès énormes dans ce genre de maladies… non ? Je raccrochais sans même lui laisser le temps de répliquer.
Je jetais un coup d’œil à la fenêtre, le soleil venait à peine de se lever. Crépuscule du matin. Je haussais les épaules face à un spectacle d’une si grande banalité et reprenais ma lecture d’un quelconque quotidien vieux de quelques mois tout en finissant ma tartine.

Deux heures plus tard, j’étais au boulot, prêt à passer une journée ennuyante à mourir (les sales jeux de mots font aussi partie de la profession, à force, on arrive même à s’en foutre de l’humour et à apprécier les programmes télés les plus cons, faut dire que

la Mort

fait relativiser beaucoup de choses).
Une heure plus tard, toujours aucun « client ».
Trente minutes plus tard, pause cigarette, un passant m’a demandé son chemin. La journée était toujours aussi radieuse, le temps toujours aussi sec.
Cinq minutes plus tard, je suis à nouveau devant le comptoir. Il semblerait qu’aujourd’hui était un jour de repos pour

la Mort.
Trent

e secondes plus tard, un vieillard appelait pour demander des informations sur le contrat obsèques. Je crois lui avoir répondu que j’en avais rien à faire de sa mort et que s’il espérait qu’on s’occupe de lui, il ferait mieux d’aller voir ailleurs, et surtout d’appeler plutôt une entreprise de pompes funèbres et par le crématorium directement.
Dix minutes plus tard, je me baladais.

Ma vie était un putain de métronome.

D’ailleurs, c’était l’heure de mon petit plaisir personnel. On a tous un petit pêché mignon, une chose qu’on fait sans aucune autre raison qu’un plaisir purement psychologique qui ne soit pas dû à de foutus composés chimiques extérieurs. Le genre de truc qui nous fait sécréter des hormones à plus savoir qu’en faire.
Je pris donc mon portefeuille et en sortit une vingtaine de photos. Ma collection personnelle. Ma petite galerie des horreurs. Des noyés, des carbonisés, des amputés, des déformés, des écorchés, des décharnés, des explosés, des désarticulés, des défigurés, des autopsiés. Tous pris ici, tous impeccablement habillés et tous avec deux points communs : ces mêmes foutus yeux vides et morts et ce même foutu cercueil en séquoia. J’en avais des frissons. Le moment où je regardais ces photos étaient le seul moment où j’avais l’impression de ressentir de la peur, le seul moment où je faisais face à

la Mort

dans tout ce qu’elle a de plus aléatoire et de plus macabre. Un vieux, c’est déjà un cadavre ambulant mais ça n’a pas ce regard vitreux que partagent tous ceux qui ont traversé le Seuil de

la Mort.

N’allez pas penser par-là que je suis nécrophile. Je serais bien incapable de souiller quelque chose d’aussi sacrée que

la Mort

avec mes fluides corporels.
Je ne suis guère fétichiste non plus. Si j’ai choisi à chaque fois le même cercueil, c’est parce qu’il est déjà réservé. La seule chose que j’ai jamais demandée à mon patron. « Réservez-moi ce cercueil ». Et je l’ai acheté. Je n’ai jamais compris pourquoi mon patron avait accepté de me le laisser.
Désormais, il trônait toujours au milieu des autres cercueils. Tous les jours, je le regardais, je touchais son intérieur en soie pourpre et, tous les jours, lorsque j’étais vraiment seul, je m’y allongeais et je tentais de le refermer mais je n’y arrivais jamais, c’était le seul le seul moment où je ressentais de la claustrophobie. Peu à peu, je m’étais mis à haïr ce cercueil. Moi qui pensais être parvenu à ignorer

la Mort

, ce foutu cercueil me ramenait constamment à ma propre faiblesse. Je crois que c’est à partir de ce moment que tous les soirs, j’y traînais des cadavres en pleine nuit pour les photographier. Je connais rien en psychologie mais j’imagine que c’est le genre de comportement d’un tordu, hein ?

Après quelques minutes de contemplation, je rangeais les photos dans mon portefeuille et continuais ma ballade. Les couloirs étaient vides, chacun de mes pas résonnaient dans l’air vicié des couloirs. Partout je ne sentais que l’odeur des produits désinfectants et autres désodorisants.
Une véritable atmosphère de mort.
Au bout d’un moment, je m’arrêtai. J’étais devant

la Porte

, celle-là même derrière laquelle se trouvait mon cercueil. Un frisson me parcourut l’échine, comme à chaque fois. Et comme à chaque fois, ma main hésita une seconde avant d’ouvrir

la Porte. Dans

un long grincement, elle s’ouvrit et pendant un instant, il me sembla que le Néant avait envahi la pièce.
A tâtons, je cherchai l’interrupteur. Les néons s’allumèrent l’un après l’autre. Des tas de cercueils étaient entassés là, prêts à l’emploi. Une vague odeur de vernis s’échappait de chacun d’eux. Parmi les cercueils soigneusement choisis par leurs propriétaires, il y en avait d’autre qui n’était là qu’au cas où. A vrai dire, étant tous destinés à brûler, je me demandais bien quel était l’intérêt de choisir précisément tel cercueil et pas un autre. Mais je n’étais peut-être pas le mieux placé pour critiquer ce genre de choses. Sûrement pas.

Il était là. A l’autre bout de la pièce, calé contre le mur, posé sur une table à roulettes métallique, il m’attendait.
Lentement, mes jambes m’amenèrent jusqu’à lui et lentement, mas bras soulevèrent le couvercle. Pendant un moment, mes yeux contemplèrent l’intérieur de l’objet tandis que mon cerveau semblait comme pris d’une violente crise de panique face à la question existentielle qu’était

la Mort. Je

détournai un instant les yeux, reprenant le contrôle de moi-même, en quelques sorte.
Lentement, je me hissais dans le cercueil et m’y allongeais. Je fixais désormais le plafond blanc pâle. Un néon commençait à rendre l’âme, clignotant et émettant ce son désagréable. A part ça, le silence. Je me sentais toujours aussi incapable de le refermer, ce cercueil. Ma lâcheté me donnait envie de vomir.
Pris de colère, je m’extrayais péniblement du cercueil et une fois les pieds de nouveau sur terre, je poussai le cercueil. Celui-ci tomba à terre dans un bruit sourd qui résonna dans toute la pièce. Puis je m’effondrai au sol, incapable de pleurer ni même de m’agiter dans tous les sens en essayant de tout casser. J’étais pathétique. La seule chose dont je fus capable à cet instant, ce fut de m’allumer une cigarette et de la fumer au milieu de tous ces cercueils.

Je ne me souviens plus très bien de ce qu’il s’est passé ensuite.

Le briquet. Le cercueil. La flamme. L’incendie. Tout est allé très vite. J’avais sûrement décidé de m’en débarrasser définitivement et de la façon la plus stupide possible. Même vernis, allumer un incendie au milieu d’objets en bois n’étaient pas la chose la plus intelligente à faite. Mais il aurait fallu aussi blâmer la femme de ménage qui avait stupidement laissé un produit nettoyant inflammable dans cette pièce.
C’était ridicule. C’était grotesque. C’était sûrement le destin. Et ce n’était finalement pas plus ridicule de se tordre le cou en trébuchant ou de se faire fracasser le crâne par des déchets d’avion évacués à plus de mille mètres d’altitude.
Le feu s’était propagé en un instant. Très vite tous les cercueils avaient pris feu et j’étais face à un véritable feu de joie. Cerné de toutes parts, la porte m’était devenue inaccessible. J’étais condamné à mourir comme un con dans l’incendie d’un crématorium. Ironie du sort.

Je ne savais plus quoi faire.

Je décidai donc de faire la chose la plus stupide possible. Quitte à mourir, je voulais au moins mourir dans ce foutu cercueil. Il était toujours là, au sol, il brûlait plutôt vite. Au moment où j’allais poser un premier pied dans le cercueil, mon téléphone sonna. Sans même regarder qui c’était, je pris l’appareil et le jeta de toutes mes forces dans la fournaise, sa sonnerie fut étouffé rapidement par le crépitement des flammes.
Je me remis donc à mon affaire.
Je posai un premier pied dans ce qui tenait désormais plus de l’enfer que d’un simple cercueil. La chaleur était insoutenable, mon pied était en train de brûler sur place mais je n’avais pas le temps de souffrir. Les flammes léchaient mon visage et je voulais au fond de moi ne pas mourir avant de m’être allongé dans ma dernière demeure.
Je sentais mes poumons brûler de l’intérieur. Mes doigts s’engourdissaient, du peu que voyais encore mes yeux desséchés, ils étaient couverts de cloques, je ne ressentais même plus la douleur. Etait-ce parce que j’étais tout simplement en train d’étouffer à cause du manque d’oxygène ? Etait-ce parce que la douleur était tellement forte que mon cerveau la refusait ? Ou était-ce simplement parce que mes nerfs avaient littéralement fondus sur place ? Un peu des trois sûrement.
Mon cerveau tentait encore avec peine de s’oxygéner. Ma tête avait le tournis. Alors que je parvenais avec peine à m’allonger dans le cercueil brûlant, je sentais peu à peu chacun de mes organes séchaient littéralement sur place là où ma peau et mes muscles avaient carbonisé.

J’étais en Enfer. Et j’attendais mon jugement.

Malheureusement, étant athée, ce genre de pensée ne m’avait pas traversé l’esprit. Je me dis juste que j’étais en train de mourir même si mon corps refusait cette idée et qu’il tentait encore vainement de survivre. Il ne devait pas comprendre pourquoi je lui faisais ça. Moi non plus d’ailleurs.
La dernière impression que j’eus, ce fut de me voir de l’extérieur, en train brûler sur place dans ce cercueil finalement trop petit pour moi… Et surtout moche, comment j’avais pu avoir eu l’envie de le prendre ?

Et puis ce fut le réveil.

Tout était blanc. Tout était silencieux. Ma vision était floue mais ne croyant pas au paradis, j’en ai donc déduit que je devais sûrement me trouver à l’hôpital. Impression confirmée par de vagues formes blanches qui tenait plus de l’être humain banal que de l’ange miséricordieux.
Je ne sentais plus du tout mon corps, je ne parvenais même pas à bouger la tête.
J’étais perdu, je ne comprenais pas comment quelqu’un avait pu arriver à temps pour me sauver et c’était pourtant le cas. J’avais même réussi à foirer ma Mort.
Les premiers jours furent pénibles, je ne voyais que des formes floues et je n’entendais plus rien, mes tympans ayant sûrement fondu. Mais à voir les quelques formes qui s’agitait autour de moi. Je comprenais que je devais être chez les grands brûlés avec tout ce que cela sous-entendais : nettoyage à grande eau pour retirer toute ma peau carbonisée, recherche de greffe de peau,… J’étais devenu un de ces cadavres qu’il tentait vainement de sauver. Ces personnes qui vivent encore alors qu’elles partagent le même regard vitreux que les morts.

Rester là immobile m’avait laissé tout le loisir de réfléchir sur des tas de choses : l’écologie, ma vie, les voitures, la politique, la musique… J’étais sur le Seuil de

la Mort

et je n’avais finalement pas grand-chose d’autre à faire qu’attendre.

C’est là qu’Il est arrivé.

Sourd et à moitié aveugle, j’aurais dû ne pas le remarquer. Et pourtant, il se faisait de plus en plus présent, de plus en plus insistant. Alors que je ne devrais rien entendre, je l’entendais respirer au creux de mon oreille. Alors que j’aurais dû ne voir que des formes blanches, je voyais plus nettement que les autres tâches floues une vague forme grise qui me tournait autour.
Chaque jour, je le remarquai de plus en plus. Chaque jour, j’avais l’impression d’entendre de plus en plus nettement ce qu’il voulait me dire. Peu à peu, toutes mes pensées se sont tournées vers cet Être, cette dernière chose qui semblait me rallier à la vie.

« Passons un Marché. » furent les premières paroles que j’entendis distinctement de sa part.

Il n’était pas toujours là. Il semblait parfois partir je-ne-sais-où. Mais je devinais sa présence sans même le voir lorsqu’il était à côté de moi. Il sentait

la Mort. Je

serais bien incapable de décrire cette odeur mais elle était loin de celle aseptisé du crématorium. Non, cette Chose portait la véritable odeur de

la Mort. Elle

n’était pas

la Mort

elle-même mais elle était la première chose qui semblait le plus s’en approcher.

Un jour, elle se découvrit enfin à moi.

Une forme distincte au milieu de cet univers informe que mes yeux avaient peine à supporter. Cette Chose n’était pas un être humain, ni même un être vivant. Son visage fut ce qui me frappe le plus. C’était un visage recouvert d’écailles grises où un unique trou semblait emmener tout droit vers le Néant. En y regardant d’un peu plus près, l’être n’était pas recouvert d’écailles, c’était plus proche d’une peau carbonisée et craquelée recouverte de cendres.

La Chose

était nue. Un trou courait le long de son torse mais, contrairement au visage, ce n’était pas le Néant qui s’offrait à mes yeux desséchés, mais des organes gris et suintants qui bougeaient, qui se tordaient, je voyais un liquide noire s’écouler de part et d’autre de ses organes. Jamais un spectacle ne me parût si atroce, alors que je pensais avoir toujours été préparé à tout.
Je voulais hurler mais aucun son ne sortit de ma gorge, pas même un simple raclement. Personne autour de moi ne prêtait attention ni à moi, ni à la créature.
Celle-ci s’approcha de moi, lentement, un semblant de main tendu. Un son poisseux et des traces noires apparaissent à chacun de ses pas, je n’arrivais même pas à comprendre comment j’étais capable de voir et d’entendre ces choses là.
La Chose était désormais à quelques centimètres de moi. Le trou béant de son visage semblait littéralement me fixer, prêt à m’avaler à tout moment.
J’entendis à nouveau ces mots : « Passons un Marché. » Je n’avais aucune idée de quoi elle me parlait, je ne savais même pas comment cette Chose pouvait même s’exprimer. Tout ce que je voulais c’est qu’elle s’en aille.

« Tu ne veux pas avoir une seconde chance ? »

Sa main, enfin ce qui ressemblait plus à un mélange d’os et de chairs fondus s’approcha de mon cou et le serra. Je commençais vaguement à comprendre que

la Chose

semblait vouloir m’aider… Mais avais-je vraiment envie de l’aide d’un tel être ?

J’ai toujours été lâche. Au fond de moi,

la Mort

m’a toujours fait peur.
J’aurais pu refuser, accepter mon sort, fermer pour de bon le cercueil dans lequel je me trouvais et me laisser mourir. Enfin.
Mais j’ai accepté. Je m’entendis dire distinctement du bout des lèvres, malgré le masque de respiration, malgré ma gorge carbonisée, je m’entendis répondre « Oui ».

Je ne parviendrai jamais à refermer le cercueil. Jamais.

Je me réveillai. Avais-je vécu un rêve ou avais-je vu le futur, ou même en étais-je revenu, je n’en sais rien. Mais j’étais à nouveau dans la fournaise, à nouveau dans mon cercueil. Mais je ne sentais plus la chaleur, je ne sentais plus les brûlures. Non, je ne sentais que l’étreinte froide de

la Mort

, et je ne m’étais pourtant jamais senti aussi vivant.
Je me levai hors de ce qui restait du cercueil en séquoia et posai les pieds sur ses cendres encore chaudes. Mes vêtements avaient brûlé, mais toute ma peau paraissait intact pour je ne sais quelle raison.
Sans me poser plus de questions, je me dirigeai vers la porte. Des cercueils entravaient ma progression mais sans même y réfléchir, je les écartai à mains nues. Je remarquai que si ma peau brûlait, elle semblait se reconstituait peu à peu, ne laissant que de vagues cicatrices blanchâtres à l’emplacement des brûlures. C’était parfaitement irrationnel mais je n’avais guère le temps d’y porte plus d’attention.
J’arrivai enfin à

la Porte. Je

posai la main dessus et m’apprêtai à l’ouvrir. Il me sembla alors malgré le vacarme de l’incendie entendre distinctement une voix. Je me retournai, je vis alors au milieu des flammes une vague forme que je reconnus immédiatement. C’était

la Chose. Elle

se tenait au dessus de ce qui restait du cercueil en séquoia. Elle sembla me fixer un instant.

« Nous avons passé un Marché. N’oublie pas. »

Un frisson me parcourut l’échine. Je ne savais plus quoi penser de tout ce qu’il se passait. Je me retournai vers

la Porte. Ma

main hésita un instant avant de l’ouvrir. Au moment même où j’allais traverser la porte, je sentis à nouveau cette odeur de Mort de l’hôpital.

« Nous sommes liés désormais. »

PAUL CRUBELLIER

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